mardi, septembre 26, 2006

ENNIO FLORIS



L' ami d'un demi-siècle....

Ennio FLORIS, ancien dominicain qui a enseigné à l'Angelicum de Rome avant de quitter le catholicisme et s'est tourné vers le protestantisme....

Chercheur critique pour qui la raison est le fondement de sa démarche intellectuelle. Pour mieux le connaître, se reporter au site : "L'analyse référentielle et archélogique" (http://alain.auger.free.fr), auquel je suis associé.

Nous nous sommes connus en 1956, quand j'étais pasteur de l'Eglise réformée de Bruay-en-Artois (1956-1960) lors d'une session pastorale au Nouvion-en-Thiérache où était alors installé le Centre protestant de rencontres du Nord et où Ennio FLORIS venait d'être nommé Directeur. Puis, quand le Centre protestant de recherche et de rencontre du Nord a été transféré à Lille, j'étais alors pasteur de l'Eglise réformée de Tourcoing (1960-1968) et j'ai collaboré activement avec Ennio FLORIS comme Secrétaire général du Centre. Sur le site donné en référence , on trouvera à la fois des informations sur cette activité d'alors, et aussi des textes actuels qui témoignent de l'évolution de la recherche d'Ennio FLORIS sur "le Jésus de l'histoire" et "le Christ de la foi".
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JESUS DE L'HISTOIRE ET CHRIST DE LA FOI


LES QUATRE EVANGELISTES.
(Rubens)

Si le "Christ", prénommé "Jésus" dans les Evangiles n'est qu'un personnage sacralisé, une "hypostase divine", imaginée par la foi de l'Eglise ancienne, héritière de l'Ancien Testament et de la pensée philosophique grecque, faut-il renoncer définitivement à découvrir "sous le Christ de la foi" le "Jésus de l'histoire" ?

Tous les historiens et les exégètes qui tentèrent, en particulier aux 18ème et au 19ème siècles, de percer ce mystère n'y sont pas parvenus, car tous recherchèrent le "Jésus de l'histoire" (qui n'a laissé de lui-même aucune trace écrite) à partir de l' exégèse des textes évangéliques; c'est-à-dire par l'analyse de la forme de ces récits, de leur expression littéraire et philologique, tout en souhaitant sauvegarder l' autorité des Ecritures.

Une démarche nouvelle permettrait-elle de sortir de l'impasse ?

Ennio FLORIS, auprès duquel j'ai eu le privilège de pénétrer pendant plus de quarante ans les méandres de sa recherche, l'a tentée. Son ouvrage, publié sous le titre "Sous le Christ Jésus" (Flammarion, 1987), fruit d'une longue maturation, a abouti à formuler une méthode inédite d'analyse des récits évangéliques, fondée sur une approche linguistique des textes et sur l' historicisme de Jean-Baptiste VICO (1668-1744), qui présuppose que la nature d'un phénomène est connaissable par sa genèse comme "événement de parole et de culture" (Consulter le site : "L'analyse référentielle et archéologique" - http://alain.auger.free.fr)

Le mythe est le "produit de l'activité métaphorique des hommes à l'âge de leur enfance culturelle". "Pour connaître ce phénomène (le "Jésus du texte") - écrit Ennio FLORIS - et pour résodre le problème qu'il pose, il faut rechercher la structure du langage des Evangiles (page 36). C'est pourquoi, "la foi comme valeûr doit être mise entre parenthèses" (page 36). Il poursuit : "On ne pourra saisir Jésus qu'à travers le mécanisme qui lui a permis, pour ainsi dire, d'entrer dans le discours" (page 38). La démarche d'Ennio FLORIS n'est donc pas exégétique et sémantique, mais référentielle. "Une fois connu ce que le texte dit, la démarche cherche à quoi se réfère le 'dit' du texte (page 38). L'Eglise primitive avait perdu la "mémoire" du "Jésus historique". "Au temps des évangélistes, l'Eglise est séparée de cette parole par une distance historique et culturelle. Pour y accéder, il fallait une médiation par la lecture et l'interprétation" (page 76). L'Eglise dut faire un effort de remémorisation, et son discours s'est constitué au moyen d'un "processus dialectique avec des opposants juifs qui ,sans croire au messianisme de Jésus, le connaissaient assez pour en discuter" (page 86). Paul et les évangélistes n'ont pas eu recours à la mémoire de leur passé, mais à l' "anamnèse", c'est-à-dire à leur mémoire ressuscitée.

Ainsi, le langage des Ecritures est lié à un code qui unit le signe (Jésus) à son signifié (le Christ). Par exemple, dans le récit d'Emmaüs, "les disciples ne voient pas le Ressuscité en personne, mais perçoivent seulement des "signes" par lesquels ils le reconnaissent" (page 75). L'auteur en infère que "puisque les évangélistes ne connaissaient Jésus que par les renseignements qu'ils pouvaient avoir sur lui", ceux-ci constituaient la "substance" du "signe" qu'ils devaient formaliser. "Ainsi, ils recherchèrent dans les informations sur Jésus les énoncés, les expressions, les mots mêmes qui avaient un rapport naturel avec le "Christ des Ecritures". Ils établirent un parallèle entre "Jésus" et "le Christ" par la médiation de deux récits : les "informations" et les "récits messianiques" (page 88). Jésus-Christ devenait ainsi "parole-image" (page 91), se présentant comme "personne historique" quand on voulait le considérer comme un "mythe"; et comme un "personnage mythique" quand on voulait le situer "dans l'histoire" : ce qui explique l'ambiguïté des récits évangéliques qui sont à la fois des "faits mythisés" et des "mythes historicisés"; et non point des "faits historiques".

Comment tenter de parvenir au "Jésus de l'histoire" ? Si cela est devenu impossible par l'exégèse classique, on peut observer à l'intérieur hétérogène des récits évangéliques des "hiatus", des "apories", révélateurs du "Jésus de l'histoire". "Des lambeaux d'information sur Jésus sont juxtaposés à des fragments scripturaires sur le Christ" (page 102). Si les évangiles sont le "tombeau du Christ", comment l'en faire sortir ? Après avoir séparé "le discours sur le Christ emprunté aux Ecritures du discours sur Jésus, propre aux informations" (page 102). Au terme de ce processus, on trouvera "des bribes de paroles, des mots, des énoncés et des trames" (page 104), qu'il conviendra de réinsérer dans le discours dont il faisait partie, à l'image de la "dépose" des fresques qui "permettait de détacher la dernière couche d'enduit, celle qui supporte la peinture, de la première sur laquelle le peintre avait tracé en sépia l'esquisse qui devait lui servir de base" (page 12). Par exemple, dans le texte : "Marie fut trouvée enceinte du Saint-Esprit...", on peut distiguer le "fait" ("Marie fut trouvée enceinte...") de son "interprétation" ("...du Saint-Esprit"). On procédera ensuite à la "reconstitution du discours d'information", à la manière de l'archéologue qui restitue un vase ou une demeure antique à partir des fragments retrouvés et selon les modèles connus.

Ainsi,dans l'énoncé "Marie fut trouvée enceinte", il devient possible "en se fondant sur les écrits anciens, juridiques et mythiques, de reconstituer les péripéties auxquelles était exposée une femme quand elle était trouvée enceinte en- dehors de la légalité. Dénoncée, elle était condamnée à mort... Ainsi, une fois le fait repéré, il est possible d'établir une trame hypothétique sur laquelle reconstituer le récit d'information" (page 109). "Bref - en conclut Ennio FLORIS -, il faut exhumer le "corpus" des informations, les interpréter et reconstituer le discours. Il faut faire sortir "Jésus" du "tombeau des textes" pour le donner à l'histoire. page 115).

A partir du fait historique de l'origine bâtarde de Jésus, Ennio FLORIS dessine le "profil" d'un homme qui, à travers une profonde crise de conscience à l'épreuve du désert, en quête de son identité par une lecture de l'Ancien Testament, découvre dans sa condition de fils bâtard, sa vocation prophétique de purification, mais échoue dans une action surhumaine de délivrance du peuple d'Israël, en butte à l'incompréhension de ses amis et à la haine mortelle de ses ennemis; qui, enfin, pour échapper à sa situation d'homme bâtard, ne put retrouver sa liberté d'homme que lorsque les conditions de sa bâtardise furent accomplies en lui. "La foi en la résurrection qui lui fut propre, lui fit comprendre que la mort était pour lui l'unique chemin de la rencontre avec le Père...Ceux qui, les premiers, le reconnurent comme 'Christ' virent en lui "l'homme qui, ayant donné sa vie pour les autres, fut sauveur par sa mort" (p.219).

Dans le sillage du prophète Osée, Jésus fut le prophète de l'amour, capable de susciter en l'homme l'énergie créatrice d'humanité. Prophète (et non "homme-christ" en qui les hommes seraient appelés à renoncer à leur humanité), c'est-à-dire celui qui annonce et déclare aux hommes que cette "créativité" est cachée au fond d'eux-mêmes à l'état de germe prometteur d'amour et de vie. Prophète qui annonce à l'homme : "Deviens ce que tu portes en toi-même."

Pierre CURIE

dimanche, septembre 24, 2006

FOI ET HISTOIRE


"La foi dans un sens, mais dans un sens caché de l'histoire, est à la fois le courage de croire à une signification profonde de l'histoire la plus tragique, et donc une humeur de confiance et d'abandon au coeur même de la lutte, et un certain refus du système et du fanatisme, un sens de l' "ouvert".

Paul RICOEUR.




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Qu'est-ce que la foi ?

"Je dirai qu'elle est un risque et un pari. En effet, je ne possède jamais toute la perspective de l'histoire; mais si j'ai pris au sérieux les analyses du moment, je procède alors à une prospective fondée sur une option. Alors, je prends un risque et je fais un pari! Je m'engage avec d'autres. Je mobilise ma volonté dans cette prospective, même modifiée dans le devenir historique. Ma "foi" se trouve là où je suis pleinement engagé. Dans ce devenir de moi-même avec les autres, dans cette "transcendance permanente, le "mythe du Christ" manifeste dans l'histoire la plénitude la perspective, c'est-à-dire la "plénitude de l'homme".

Pierre CURIE (Tourcoing, 12 mai 1968)


samedi, septembre 23, 2006

MA FAMILLE CURIE AU 18ème SIECLE (suite)


PIERRE CURIE (1732-1784) Tailleur d'habits et bourgeois de Montbéliard.

De son premier mariage avec Catherine-Elisabeh MONAMI, George CURIE, le Vieux eut deux fils, nés à Etupes: Pierre CURIE, né le 30 àctobre 1732 et Jean-George CURIE, né le 20 octobre 1736.

Pierre CURIE est mon ancêtre à la 7ème génération. Il fut baptisé trois jours après sa naissance au Temple d'Etupes, le 2 novembre de la même année. Son parrain fut son cousin, issu de germain, Pierre BOURGOGNE, fils de Jean BOURGOGNE et d'Anne CURIE. Sa marraine fut sa tante, Catherine-Marguerite BOURGOGNE, femme de Pierre-Nicolas CURIE, boucher à Etupes.

Rappelons l'importance au cours de cette génération, des liens noués entre la famille CURIE et la famille BOURGOGNE; mais aussi ceux avec la famille PECHIN que nous retrouvons davantage au cours des générations des 18ème et 19ème siècles.

Jean-George CURIE, le frère de Pierre, eut pour parrain Jean-George BOURGOGNE, représenté par son père, Jean-Pierre BOURGOGNE.

Pierre CURIE épousa à trente quatre ans, le 24 mai 1766, Suzanne-Marie CUENOT, fille d'un laboureur des Fesches-le-Châtel : Jacques CUENOT et de Marie-Madeleine CALAME. George CURIE le Vieux avait alors soixante six ans, et la mèrede Pierre était déjà morte. Nous savons que si Pierre CURIE (mais aussi son frère Jean-George) se sont mariés à cet âge avancé, c'est qu'ils avaient dû retarder leur mariage pour subvenir matériellement à leur père estropié gravement à la suite d'un accident. Mariés, Pierre CURIE, ainsi que Jean-George son frère, l'ont sans doute assisté jusqu'à la fin de sa vie en 1777.

Pierre CURIE devait décéder à Etupes le 26 janvier 1784 à l'âge de cinquante deux ans, sept ans à peine après la mort de son père. Jusqu'à la mort de George CURIE, le Vieux, Pierre partagea les mêmes événements. Deux ans avant de mourir, il assista le 1er août 1782 à la venu au Château d'Etupes du grand duc PAUL de Russie (le futur Tsar PAUL Ier), accompagné de sa femme, Sophie-Dorothée. Au cours de cette visite, des fêtes se succédèrent jusqu'au départ des hôtes princiers, le 2 septembre 1782.

Comme dans les dernières années de vie de son père, Pierre CURIE a connu jusqu'à sa mort à Etupes la vie animée par la présence au Château de la Cour du stathalder Frédéric-Eugène. Lorsque Pierre CURIE avait cinq ans en 1737, Etupes était un bourg de cent soixante sept habitants. En 1785, un an après sa mort, le bourg avait preque doublé de population et comptait trois cent dix neuf habitants, dont le nombreux personnel du Prince.

Pierre CURIE exerça à Etupes le métier de tailleur d'habits, tout au long de cette période de calme et de restauration de la Principauté de Montbéliard, après la longue crise qui l'avait éprouvée près de cent cinquante ans.

A peine un mois après le mort de Pierre CURIE, un inventaire de sa succession fut dressé par le Greffier du Baillage d'Etupes, Pierre-Emmanuel LODS, le 2 mars 1784 et signé le 4 mars de la même année par Suzanne-Marie CUENOT, sa veuve, et par Jean-Pierre-Nicolas CURIE ( fils de Pierre-Nicolas CURIE, boucher, cousin de Pierre CURIE) le curateur de ses cinq enfants (Anne-Marie, Margueritte, Jean-David, Pierre et Suzanne-Margueritte). Cet inventaire ne mentionne que les biens meubles et immeubles ayant appartenu à Pierre CURIE. Il ne comprend pas ceux que sa femme, Suzanne-Marie CUENOT, avait apportés à la communauté matrimoniale; en particulier ceux que Pierre CURIE avait cédé à sa femme par contrat le 7 août 1766 (environ deux mois et demi après leur mariage), ainsi que ceux qu'elle avait reçus en dot de ses parents. Cet inventaire comprend donc ceux qu'il avait sans doute reçus en héritage de son père George CURIE le Vieux (ces biens-là sont désignés comme "acquis").

D'après le contrat de mariage, signé devant le notaire G.RICHARDOT, le 8 mai 1766, Suzanne-Marie CUENOT, épouse de Pierre CURIE, pourrait en plus de ses biens propres, jouir du tiers des acquisitions faites au cours de leur mariage. elle avait en outre la charge d'administrer la totalité de la succession en qualité de tutrice de ses enfants qui recevaient les "biens anciens" du défunt et une part (sans doute un tiers) des "acquisitions" sous la responsabilité vigilante de leur Curateur, Jean-Pierre-Nicolas CURIE.

Par ailleurs, cet inventaire laisse supposer que les deux frères tailleurs, Pierre et Jean-George CURIE étaient proches voisins. La maison où demeuraient Pierre CURIE et sa famille, devait appartenir pour moitié à Jean-George CURIE. Pierre et Jean-George CURIE avaient-ils mis leurs ressources en communauté ? Surtout, si l'on se souvient qu'ils avaient dû subvenir, au moins depuis 1766, aux besoins de leur père impotent et sans ressources sur la fin de sa vie !

La maison de Pierre CURIE à Etupes semble avoir été mitoyenne de celle de Jean-Pierre-Nicolas CURIE : ce qui expliquerait pourquoi ce dernier fut désigné par la Justice comme Curateur des enfants de Pierre CURIE après sa mort.

De cet inventaire, il ressort aussi que si Pierre CURIE a exercé le métier de tailleur d'habits, lui et sa femme ont été, comme beaucoup, des paysans. En effet, en plus des biens relevant du "stock" laissé par le tailleur d'habits (sous la rubrique "toile, fil, oeuvre, laine, plume et sacs"), l'inventaire mentionne une vingtaine de parcelles de terrain (oiche, prels, champs...), représentant sans doute une superficie de plus d'un hectare et demi, ainsi que du bétail (deux vaches, une génisse, deux cochons, cinq brebis et moutons, deux agneaux, quatre canards, deux poules) et des herbages (foin, regain, paille...) et des outils divers.

Ainsi, Pierre CURIE et sa famille n'étaient pas riches (il n'y avait chez eux ni monnaie d'or et d'argent; ni argenterie et bijoux). Leur train-de-vie dut être sobre et rustique. Cependant, ils durent vivre à l'aise matériellement. La valeur de l'inventaire pour les seuls biens meubles représentait une somme de six cent quatre vingt onze livres et quatorze sols.

A sa mort, à cinquante deux ans, Pierre CURIE n'a laissé aucune dette. Il était même créancier d'une brebis avec son agneau et de trois quartes (une quarte-céréales = environ 19 kgs) de "boige hatif" ("boige" = mélange fait essentiellement de menus grains de printemps : orge, avoine, pois et vesces, semés ensemble). Sa "bibliothèque" se limitait strictement, semble-t-il, à une Bible et à un Psautier, ainsi que deux Nouveaux Testamants pour les enfants.

Quant aux immeubles, ils représentaient essentiellement la maison de Pierre CURIE et de sa famille à Etupes, avec ses annexes : une petite grange et une écurie, ainsi qu'un petit jardin et son verger d'une superficie d'un "coupot" (3 ares 14). La maison semble avoir été constituée d'un rez-de-chaussée, d'un étage et d'un grenier, ainsi que d'une cave, et en prolongement, la grange et l'écurie. Elle semble aussi avoir été en "copropriété" avec son frère Jean-George CURIE. En effet, l'inventaire mentionne : "La moitié d'une maison située au village d'Etupes, consistant dans le poêle et la cuisine au-dessus du rez-de-chaussée,et dont le bas de la dite maison avec l'autre moitié du grenier appartient à George CURIE, tailleur d'habits, frère du défunt, le tout entre Pierre-Nicolas CURIE d'une part et la grange ci-après spécifiée d'autre part, ancien du défunt, et la moitié de la cave du côté du couchant. Une petite grange avec une écurie au bout entre la maison ci-dessus d'une part et George CURIE partage d'autre, bâties pendant la communion sur un chésal du défunt. Un petit jardin et verger contenant environ un coupot entre Pierre-Nicolas CURIE du levant, George CURIE partage du couchant, le fief de la papeterie au midi et Jean VIENOT VURPILLOT au septentrion, ancien du défunt."

Les parcelles de terrain étaient constituées d'une "oiche", d'un "pré" et de seize champs, ainsi que d'une moitié de vigne: en tout, dix neuf quartes et quinze coupots et demi. L'inventaire de ces terrains communs aux deux frères Pierre et Jean-George CURIE fait apparaître huit fois sur dix la mention du nom de George CURIE; ce qui pourrait laisser supposer que ces terrains provenaient soit de leur part d'héritage commun, soit d'acquisitions communes antérieurement à leur mariage. En effet, quatorze terrains portent la mention "ancien du défunt"; un terrain a été agrandi par acquisition; deux terrains ont été acquis et trois autres ont été cédés par la Commune. Plusieurs de ces terrains (le pré, le champ "aux Voivannes", celui "aux Feuilles" et celui "la Voivanne de la Croix") voisinaient les domaines du Prince de Wurtemberg, Frédéric-Eugène. Sans doute, étaient-ils attenants ou proches du Château d'Etupes ? D'autres terrains jouxtaient des propriétés de parents (comme Esaïe CURIE, l'aubergiste, fils du bonnetier Jean-George CURIE et cousin germain de Pierre CURIE), ou des alliés (comme les PECHIN : Jacques, Frédéric et Marc; George BOURGOGNE, Pierre-Abraham GREYS; Joseph JOLY; Jean VIENOT VURPILLIOT et Daniel VURPILLOT) ainsi que des voisins (comme Joseph CHENOT et son fils Jacques); George BOUMI. George PEUGEOT; George VAUTHIER; Jacques MAILLART et Frédéric DORIOT).

Si l'on suppose que la "papeterie" d'Etupes mentionnée dans l'inventaire, jouxtant le jardin et le verger familial,se trouvait selon toute vraisemblance au bord de la rivière, et que certains appartenant à Pierre CURIE voisinaient le Château d'Etupes, il est possible d'imaginer que la maison familiale de Pierre CURIE, le tailleur d'habits, devait se situer entre ce qu'était alors la "Grand'Rue" (ou "Grand Chemin") à hauteur du Château d'Etupes et la rivière Allan, non loin du ruisseau "la Charme" que devait emjamber la "Rue des Prés"...

A ce point de notre généalogie, il paraît intéressant de mentionner les métiers que ma famille CURIE a exercés dans cette région d'Etupes, aux portes de Montbéliard.

Au 17ème siècle, à travers les actes d'état-civil connus, ont été mentionnés principalement la charge de Maître (ou Recteur) d'Ecole : Jean CURIE (3) et Henry CURIE; mais aussi dans les familles alliées aux CURIE (les BOURGOGNE et les KOELIG). Jean BOURGOGNE, marié à Anne CURIE, soeur d'Henry CURIE, exerçait le métier de bonnetier. D'après certaines indications relevées dans le Bulletin Municipal d'Etupes (1968), la famille KOELIG, aussi apparentée aux CURIE, et originaire du Canton de Berne, a possédé une auberge à Etupes. Jean CURIE (2), époux de Suzanne DUVERNOY, était tanneur.

Au 18ème siècle, toujours dans les actes d'état-civil, sont mentionnés pour ma branche familaile entre 1700 et 1750, les métiers suivants: bonnetier (Jean-George CURIE, fils d'Henry CURIE); tailleurs d'habits (Pierre CURIE et Jean-George CURIE, fils de George CURIE le Vieux); boucher (Pierre-Nicolas CURIE, fils d'Henry CURIE); laboureur (Jean-Pierre-Nicolas CURIE, fils de Pierre-Nicolas CURIE). Parmi les familles alliées aux CURIE, on relève aussi les métiers suivants : laboureur (Jacques CUENOT, beau-père de Pierre CURIE, le tailleur); menuisier (Charles-Jérémie GUILLEMOT, beau-père d'Esaïe CURIE, fils de Jean-George CURIE, le bonnetier); aubergiste (Esaïe CURIE).

Ainsi, le commerce et l'artisanat d'une part, l'agriculture d'autre part, semblent avoir été les deux orientations principales suivies par ma famille CURIE. Par ailleurs, presque tous ces CURIE des 17ème et 18ème siècles ont aussi été des "bourgeois de Montbéliard": en particulier, Jean CURIE (3) et Henry CURIE, puis Jean-George CURIE, le bonnetier. Pierre-Nicolas CURIE, son frère, le boucher; Pierre CURIE, le tailleur, fils de George CURIE le Vieux.

Il est possible d'imaginer alors leur vie sociale quotidienne. Depuis le 15ème siècle, en effet, les métiers s'étaient organisés en "corporations" : les "Chonffes", qui regroupaient obligatoirement tous les membres d'une même branche professionnelle; mais tous n'y avaient pas le même statut. Ces corporations fonctionnaient avec des assemblées générales, des cotisations, un budget, un bureau annuel élu..Elles dictaient le "droit du métier". L'ensemble des corporations de métiers comprenaient : les métiers de l'alimentations (boulangers, taverniers, bouchers, etc..); les métiers du bâtiment (charpentiers, maçons, couvreurs,..) les métiers du textile (tisserands, couturiers, chapeliers, ...); les métiers du cuir (tanneurs, cordonniers, pelletiers, foureurs, ...); les métiers du métal (forgerons, serruriers,..) Ils avaient des "sceaux" qui indiquaient à la fois la marque de fabrique et leur personnalité juridique.

A partir de 1723, la vie économique reprit ses droits dans la Principauté: l'artisanat fut l'activité dominante; près des deux tiers des personnes ayant un métier en vivaient; en particulier, les artisans du textile furent de plus en plus nombreux vers la fin du siècle; mais aussi les artisans des cuirs et peaux représentaient les 20% des métiers artisanaux. Cependant, les règlements des "Chonffes" étaient devenus de plus en plus inadaptés, freinant les initiatives et le progrès.

Ainsi, à côté d'une bourgeoisie marchande riche qui était aussi souvent une bourgeoisie administrative, des fonctionnaires anoblis par le Prince et qui avaient accès à la Cour des Châteaux de Montbéliard et d'Etupes, se développait une "classe moyenne", constituée par les maîtres-artisans qui étaient en même temps francs-bourgeois de la cité.

Il semble que ma famlle CURIE, ainsi constituée le plus souvent au cours de ce 18ème siècle par ces artisans d'Etupes et "bourgeois de Montbéliard", se soit trouvée intégrée à cette "classe moyenne", pas très riche, mais relativement à l'aise. Parallèlement, les CURIE qui s'étaient orientés vers l'agriculture (les laboureurs étaient des paysans-propriétaires) durent participer aussi à l'améliorations générale de la vie des paysans de l'époque, en particulier à la suite des nouvelles méthodes de culture, d'ailleurs apportées par les paysans anabaptistes (assolement, engrais, prairies artificielles - trèfle et sainfoin -, pratiques pastorales nouvelles pour l'élevage des bovins).