samedi, août 05, 2006

GAZA L'INSOUMISE, LA RESISTANTE.....

TEMOIGNAGE D'UNE JOURNALISTE FRANCAISE QUI REVIENT DE GAZA.....

"Ce mail pour témoigner de ces hommes et de ces femmes debout, qui résistent pour leurs droits et leur liberté; de ces militants qui continuent, eh oui! à se battre pour un Etat laïque, libre et démocratique sur toute la Palestine.

"Bien sûr, les armes circulent un peu trop parfois ici aussi. Et certains en usent parfois à tort, un peu vite, comme un antidote à ce refus qu'on oppose à la dignité. Et pourquoi diable, dans cette grande prison fermée à double tour depuis plus de six ans, les hommes seraient-ils plus forts que partout ailleurs dans le monde ?

"Et dans ce cas, je veux vous dire mon angoisse ce mercredi après-midi où, cinq heures durant, l'armée a bombardé un camp de réfugiés désarmés au rythme de chaque fois trois minutes. "Qu'ils finissent leur travail mais que cessent ces détonations", me suis-je surprise honteusement à penser, tout simplement parce que nul, nul jamais ne peut s'habituer à la mort qui rôde.

"Terroriser pour détruire toute résistance. Terroriser pour mieux soumettre; pour réduire la lutte de tout un peuple pour ses droits à un cas humanitaire...", m'a expliqué alors un ami. J'étais déjà passée aux travaux pratiques de cette humiliation.

"Bien sûr, je pourrais évoquer aussi les rumeurs qui vont bon train sur d'autres armes dont personne ne peut définir avec certitude la nature, si ce n'est qu'elles laissent à terre des corps mutilés, des bras arrachés, des jambes déchiquetées, des têtes décapitées.

"Je pourrais aussi m'attarder sur cette eau qui ne coule plus au robinet, ou si âpre que, même sous 40°C, on préfère ne plus boire. Ou encore, cette électricité qui se fait rare, et avec elle le droit le plus élémentaire de se soigner, de tout simplement cuisiner.

"Toujours cette bonne vieille méthode, il est vrai, à réduire l'Autre à moins que rien pour qu'il se rende. Sur cette peur qui a croisé plus d'une fois mon regard qui cherchait pourtant à être rassuré, je devrais dire quelques mots. Mais c'est d'autre chose dont j'aimerais vous faire part : de cette existence militante à Gaza qui ne compte pas ses heures pour imaginer un combat qui se conjugue aussi avec démocratie sociale. De ces psychologues, de ces médecins, de ces animateurs qui se démènent pour accompagner les enfants dans le monde qui doit être le leur : celui du rêve, du théâtre et de la chanson... De ces poètes, de ces commerçants, de ces musiciens, ces chauffeurs de taxi, ces intellectuels qui, vaille que vaille, continuent de se lever chaque matin pour que Gaza fasse société.

"Vivre. Vivre pour obtenir enfin justice.

"Et puis, il y a encore ces instants volés sur les plages de la Méditerranée où, au coucher du soleil, des familles font la nique à la mort, alors que naviguent à vue des bâtiments militaires; cette douceur de vivre toute orientale où les hommes se retrouvent à la nuit tombée autour des chichas comme pour mieux étouffer le bruit des avions de combat.

"Gaza autrement. Gaza dans toute son humanité que la puissance occupante a tant besoin de lui dénier pour éviter de regarder l'ampleur de ses propres crimes. Gaza l'insoumise, la résistante; celle de plus d'un million et demi d'hommes et de femmes étranglés par soixante ans d'occupation qui, à la pulsion de mort des militaires qui l'assiègent, répondent par une extraordinaire force de vie.

"Rien de plus qu'une leçon de résistance et d'humanité.

"Qui peut croire sérieusement que Gaza 2006 est le prix qu'un peuple doit payer pour la libération d'un soldat ? Qui, sincèrement, sérieusement ? Ce soldat n'est qu'un prisonnier de guerre contre des milliers de Palestiniens qui pourrissent dans les geôles israéliennes, rien de plus. Et cette opération n'a qu'une fonction : détruire le rêve d'une Palestine enfin libérée.

"Toute mon amitié.

"Martine."

in "Politis" du 27 juillet 2006. Extraits du "Bloc-Notes" de Bernard Langlois ("Pas beau, la guerre!")

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